Eugène Onéguine
Chanter comme on parlerait… N’est-ce pas l’idéal de nombreux compositeurs d’opéra ? C’est en tout cas l’une des impressions que laisse Eugène Onéguine, où le chant semble couler des mots, dans un récit qui n’est que lumière et fluidité. En raison de son intimité feutrée, Tchaïkovski baptise Eugène Onéguine «scènes lyriques» plutôt qu’opéra; c’est d’ailleurs au Conservatoire de Moscou et non dans un théâtre traditionnel que l’ouvrage voir le jour, avec de jeunes chanteurs sachant restituer la vérité, la fraicheur et la spontanéité des personnages. Pouchkine ne pouvait rêver pénétration psychologique plus fine de ses héros que celle, frémissante, dessinée par Tchaïkovski. Prodige de construction avec ses entrelacements de thèmes qui se sourient, se répondent et génèrent cette tension immédiate dont le musicien a le secret, Eugène Onéguine est d’une beauté brûlante et contenue, le soleil noir de l’opéra russe. L’une des « lettres » lyriques russes les plus poignantes revisitée par Stéphane Braunschweig et la cheffe Karina Canellakis.